En ce jour de coup d’envoi du Mondial 2018 en Russie, les différentes équipes sont entraînées, les arbitres prêts à entrer sur le terrain et les premiers supporteurs mobilisés pour les accueillir. Avec un peu d’imagination et d’ouverture d’esprit, il m’est paru simple d’établir un parallèle entre tactique de jeu et stratégie de sourcing : les joueurs deviendraient les prestataires, le club serait le client et bien entendu chaque but marqué illustrerait la réussite de la prestation. Quelles leçons peut-on tirer ? Quelles sont les recettes de l’art délicat de la sélection des joueurs pour constituer une équipe gagnante ?

« Derrière chaque coup de pied dans un ballon, il doit y avoir une idée ! »*

Dans le football, la base de toute tactique c’est le dispositif de jeu. En 2013, le Paris Saint Germain (PSG) ne fait pas que remporter la victoire 4–0 face au Sporting Club Bastiais (SCB) et conforter un peu plus encore son emprise sur la Ligue 1 : « Arrivé lancé dans la surface de réparation de Bastia, Zlatan Ibrahimovic reprend d'une talonnade acrobatique une superbe passe de Ongenda ». Un geste qui surprend autant les défenseurs que le gardien et propulse le ballon en pleine lucarne !

Ce but incroyable permet effectivement au PSG de conforter sa victoire face à Bastia mais est avant tout le résultat d’une passe absolument géniale et habilement menée qui restera gravée dans le souvenir des supporters.

Attaquant talentueux, le célèbre joueur de football français Eric Cantona disait lui-même ne pas se souvenir des plus beaux buts marqués au cours de sa carrière mais seulement de ses plus belles passes – que l’on pourrait qualifier comme « l’art ingénieux de mettre son coéquipier en capacité de briller ».

En cette période de Coupe du Monde où le football est prééminent, le parallèle avec une stratégie de sourcing est simple à établir si l’on accepte de considérer les joueurs comme des prestataires et le club comme un client et bien entendu le but marqué comme la réussite de la prestation.

Quelles leçons peut-on tirer ? Comment en sont-ils arrivés là ? Quelles sont les recettes de l’art délicat de la sélection des joueurs ?

« Je veux tenter d’être bon avec les forts plutôt que mauvais avec les faibles »*

La méthode « hard » consiste à tout prévoir, tout écrire, tout contrôler. Dans une relation client / fournisseur, les modalités d’intervention sont rédigées dans un contrat, forcément complexe, systématiquement gargantuesque et généralement plus jamais lu une fois signé par les parties. Pourtant, la réalité est toujours beaucoup plus subtile que ce que peut contenir un document et jamais réussite n’a été corrélée au nombre de pages.

En football, cette approche consisterait à prévoir, minute par minute, le déroulé d’un match et reviendrait à voir le football comme un jeu où les joueurs sont des pions sans jugement ni conscience, dépourvu de liberté de jeu et d’initiative personnelle, qui exécuteraient un plan détaillé figé par l’entraineur. Dès les premières minutes, le plan établi sonnerait faux et finirait par scléroser le jeu, démotiver les meilleurs, dissoudre l’essence du sport et finalement tuer l’amour du jeu. Comme disait un grand joueur, rien de grand ne se fait sans les fruits de la passion !

A l’évidence, le dispositif mis en place déboucherait sur un jeu de défense où la victoire s’éloignerait un peu plus minute après minute. En sourcing, le jeu serait alors qualifié de « prestation défensive » : démuni de latitude, dans laquelle la créativité serait interdite et les opportunités non saisies. Le prestataire serait focalisé sur le respect strict du contrat et non sur son apport. Le ballon se limiterait à circuler de joueur en joueur sans jamais atteindre son but !

Mais un bon joueur n’est pas qu’athlétique ! Il doit démontrer une excellente vision du terrain de jeu - le sens tactique. Dans la même logique, un bon prestataire n’est pas seulement « compétent » et doit savoir évaluer un contexte et juger de ses actions. Il s’inquiète continument de leur pertinence et c’est cette vision d’ensemble – cette « intelligence de jeu » - qui doit primer sur le reste.

« Celui qui anticipe tous les dangers ne prendra jamais la mer »*

Le sourcing est un sport d’équipe où le collectif est résolument plus important que l’individualisme.

Le fournisseur est alors clé dans la chaine de valeur du client ; sa performance est décisive et il doit être jugé sur les résultats globaux. Comment identifier le prestataire le plus à même de jouer en équipe ? Celui qui saura sacrifier sa performance pour votre réussite ? Comment le valoriser ?

Une approche mature consiste à définir son ambition (le résultat sur la saison et non sur un jeu), ses objectifs (de chaque rencontre) et le dispositif de jeu (offensif / défensif, agressif / fairplay, classique / spectaculaire). Il convient ensuite d’exposer le tout clairement à son équipe, de favoriser l’échange et d’autoriser le débat. Et surtout de permettre à chaque joueur d’inscrire son action dans ce cadre et de laisser à son prestataire le droit de penser, de prévoir et de s’organiser.

Le partenaire doit alors être sélectionné sur sa capacité à comprendre les enjeux et à en déduire des actions, en collaboration avec l’écosystème, plutôt que sur ses compétences pures. Il doit savoir assimiler le contexte et rester au contact des réalités de son client, mais également créer et développer son rôle dans la chaine de valeur. Plus occasionnellement, il doit savoir dépasser ses attributions en se montrant agile. Son immense compétence ne compensera jamais le déficit d’intégration dans l’équipe et c’est pour cette raison qu’Aimé Jacquet choisit de se passer d’Eric Cantona pour l’Euro 96, pourtant joueur vedette de l’équipe. Il explique son choix en lui disant « tu es le meilleur de l’équipe, mais l’équipe est meilleure sans toi ».

« Je ne joue pas contre une équipe, je joue contre l’idée de perdre »*

Le parallèle avec l’informatique et la gestion de ses fournisseurs est ainsi facile à établir. Il faut le nécessaire pour que la collaboration soit un succès. Il faut veiller aux résultats, suivre l'avancement, mesurer les petits et les grands pas. Il faut également anticiper les situations difficiles, les fâcheries et se couvrir. On peut (et on doit) prévoir le pire. Cela sécurise. Mais un partenariat réussi c'est surtout un acharnement quotidien pour le partage, le respect, la réciprocité, l'audace et la reconnaissance.

Et les grands succès sont toujours le fruit de cette belle alchimie !

Timspirit ❤ ️Cantona

*Citation, Eric Cantona