Chapitre 1 – Laisseriez-vous vos robinets ouverts ?
Imaginez que je vous demande de laisser vos robinets ouverts ce soir en partant du travail. Logiquement votre première réaction ne serait pas de me dire que ce n’est pas très économique mais plutôt que je suis complètement cinglé et qu’il est hors de question que vous gâchiez toute cette précieuse eau inutilement. Bien. C’est rassurant.
Imaginez à présent que je vous demande de laisser vos lumières allumées. Là déjà, je sens qu’il y a moins de révolte chez certains d’entre vous et j’en vois même (oui vous là-bas au fond !) qui n’osent pas avouer que, dans leur entreprise, la gestion des lumières est loin d’être parfaite. Il n’y a qu’à voir les tours de la Défense, la nuit, comme autant de sapins de Noël pour se dire qu’il y a en effet encore du boulot concernant la réduction de la consommation électrique.
Cependant, la majorité d’entre nous admettra qu’il n’est pas acceptable de laisser les lumières allumées inutilement. Non seulement cela coûte de l’argent mais cela a également un coût écologique, que nous ne pouvons plus ignorer aujourd’hui.
Maintenant, imaginez que je vous demande de laisser tous vos systèmes informatiques tourner en permanence, même ceux qui ne rendent aucun service pendant de longues périodes, comme des environnements de tests ou de développement par exemple. Là, beaucoup me répondront que, en effet, leur informatique tourne globalement en 24/7, car non seulement ce n’est pas simple de savoir ce qui est ou non utilisé mais aussi parce qu’il faudrait pouvoir automatiser sans risque les arrêts/relances.
Et puis, pour peu que vous soyez propriétaires ou locataires de votre Centre de Données, vous paierez de toutes façons le même prix à la fin du mois, que vous ayez éteint des serveurs ou non. Car la majorité des serveurs étant virtualisés depuis des années, lorsqu’on les arrête on libère en fait de la ressource sur leur machine physique hôte, ce qui, certes, économise un peu d’énergie mais globalement ne permet pas de substantielles économies.
Autrement dit, optimiser la consommation informatique de son infrastructure privée n’est pas forcément « rentable ».
Oui mais voilà, au vu des enjeux climatiques de notre époque, on ne peut plus se cacher derrière un mauvais ROI (Return On Investment) pour ne rien faire. C’est aussi ce que pensent plus de 180 des top CEOs américains qui ont préconisé récemment dans une déclaration, certes symbolique, mais commune, que les entreprises devraient placer la responsabilité sociale au–dessus du profit des actionnaires. (Pour ceux que cela intéresse, l’article est à retrouver sur le site de Reuters : « Top U.S. CEOs Say Companies Should Put Social Responsibility Above Profit ».)
Depuis la révolution industrielle, la consommation d’énergie n’a cessé d’augmenter et la part de l’IT, d’après l’article « The impact of information technology on energy consumption and carbon emissions » publié en 2015, représentant 4.7% de la consommation électrique mondiale en 2012 était en constante augmentation, même si ralentie, dans le même temps, par l’amélioration de l’efficacité énergétique des équipements informatiques. L’IT a donc bien une responsabilité de plus en plus importante dans le domaine.
La première bonne nouvelle (parce qu’il y en a !) c’est que l’écosystème des acteurs qui s’engagent pour le « numérique responsable » ne cesse de croître et s’engage sur des sujets de formations, de certifications, de labels, de pratiques d’écoconception, de green IT, de pilotage de consommation d’énergie, de think tank sur la transition énergétique ou encore de lutte contre l’obsolescence programmée.
La seconde bonne nouvelle, c’est que les entreprises qui s’engageront vers cette sobriété numérique verront par la même occasion leurs coûts d’infrastructure se réduire. Et oui, c’est comme quand vous éteignez la lumière en quittant une pièce, vous faites à la fois un geste pour les ours polaires et pour les oursins dans vos poches.
Et le bonus ultime de cette sobriété numérique assumée, c’est une capacité accrue à recruter les talents. Car de plus en plus d’individus s’engagent face aux enjeux climatiques, y compris les plus brillants qui, ayant l’embarras du choix, opteront pour les entreprises les plus responsables, comme en témoigne ce « Manifeste écologique des professionnel·le·s de l’informatique».
Bravo ! Vous êtes à présent convaincus qu’il faut agir. Oui, mais comment ?
Le Cloud Computing, que beaucoup d’entreprises ont déjà commencé à adopter depuis des années, peutêtre d’une grande aide dans ce domaine ! Bien entendu, il ne suffit pas de migrer ses applications telles quelles dans le Cloud pour régler la question. Pour être en mesure d’optimiser au mieux vos consommations informatiques, il vous faudra adopter une approche cadrée connue sous le doux nom de FinOps, pour laquelle il n’existe pas à l’heure actuelle de standard sur le sujet. Patience, nous allons y remédier.
Vous devriez à présent voir où je veux en venir avec cette série d’articles intitulée « Adopter le modèle FinOps pour une IT Ecolonomique ».
Voici le plan des 5 chapitres qui vont suivre :
- Les promesses d’écolonomie du Cloud Computing, ou comment le Cloud Public permet une réelle baisse de notre empreinte carbone.
- FinOps, pour une gouvernance des dépenses dans le Cloud, en deux parties : Les piliers du modèleet Les activités continues, ou comment une approche FinOps permet de gérer de bout en bout ses dépenses et leur optimisation afin, non pas simplement de réduire ses coûts, mais d’optimiser sa consommation et réaliser les bons compromis.
- FinOps et RSE, pourquoi doit-on s’y intéresser ? ou, en rappelant ce qu’est la RSE et ses enjeux, pourquoi l’approche FinOps fait plus que jamais sens et qu’il est nécessaire de s’y engager.
- Le modèle du futur pour une IT Economique et Durable, ou pourquoi nous avons décidé de nous atteler à la construction d’un référentiel de bonnes pratiques et de compétences FinOps afin de permettre à toutes les entreprises de mettre en œuvre une approche globale et complète qui tient ses promesses !
Chapitre 2 – Les promesses d’écolonomie du Cloud Computing
Dans le premier chapitre nous avons abordé la responsabilité grandissante de l’IT dans les enjeux de réduction de consommation d’énergieet les avantages que les entreprises pourront en tirer.Nous avons également évoqué que leCloud Computing pouvait contribuer à cette démarche d’écolonomie. Et nous allons voir commentdans ce deuxième chapitre.
Avec l’avènement du Cloud Computing, et en particulier du Cloud Public, les ressources informatiques physiques ont été mutualisées à très grande échelle pour être partagées entre de nombreuses entreprises et de manière totalement transparente. Cette économie d’échelle permet donc à une entreprise, en réduisant son utilisation de ressources dans le Cloud, de faire non seulement des économies financières mais également de réduire la consommation d’énergie liée à son activité. C’est ce qu’on peut appeler de l’écolonomie, pour reprendre le terme de Corinne Lepage dans son livre « Vivre Autrement » (Grasset, 2008) mettant en avant le fait que les formules respectueuses de l’écologie sont plus économiques. Et pour la petite histoire, c’est Emmanuel Druon, fondateur de Pocheco, qui a rendu le terme célèbre dans son livre « Écolonomie, entreprendre sans détruire ».
Une étude de 2015 réalisée par l’Anthesis Group (Stanford University) a montré que 30% des serveurs qui tournaient à travers le monde étaient « comateux ». Cela représentait environ 10 millions de servers allumés mais n’ayant absolument rien à faire. A cela il faut ajouter, comme de nombreuses estimations le montrent, que la plupart des serveurs tournent entre 10 et 15% de leur taux d’utilisation maximal.
Nous n’avons malheureusement pas de statistiques officielles à ce jour pour illustrer les gains réalisés par la colocation du Cloud Public mais il est aisé d’en comprendre l’intérêt (comme illustré ci-dessous de façon assez naïve je vous l’accorde), sachant d’autre part que c’est le business model même des fournisseurs de Cloud que d’amortir leurs coûts par la mutualisation, en d’autres termes, en optimisant l’usage.
Mais le rôle du Cloud Computing va plus loin dans cette notion d’écolonomie. Car en plus de ce partage des ressources, les fournisseurs de Cloud mettent à disposition des Centres de Données d’une efficacité énergétique de plus en plus grande. Mieux, les grands acteurs s’engagent tous dans la neutralité carbone et l’augmentation de énergies renouvelables dans leur mix énergétique.
Amazon Web Services annonçait par exemple dès Novembre 2014 son ambition d’atteindre les 100% d’énergies renouvelables pour son empreinte globale d’infrastructure. Suite à la mise en place de plusieurs parcs éoliens et solaires ces dernières années, AWS avait atteint le seuil de 50% d’énergies renouvelables en 2018 et continue depuis sur sa lancée avec l’inauguration encore cette année de trois nouveaux parcs éoliens en Irlande, Suède et aux Etats-Unis.
Microsoft Azure, de son côté, a atteint la neutralité carbone de ses opérations globales dès 2012. Leur méthode a été d’établir un prix du carbone refacturé en interne dans l’entreprise afin de pouvoir investir, avec les fonds collectés par cette « taxe carbone », dans la réduction de la consommation des Centres de Données, l’augmentation des énergies propres dans le mix énergétique et dans des projets de compensation carbone. En 2017, en alignement avec les objectifs de l’accord de Paris, Microsoft s’engageait à réduire de 75%, d’ici à 2030, ses émissions carbone (réduisant d’autant leur besoin de compenser pour maintenir la neutralité affichée).
Enfin Google, pour ne citer que le top trois des fournisseurs de Cloud Public, a atteint la neutralité carbone dès 2007, en utilisant également un système de compensation carbone mais avec des objectifs forts de développement durable sur le long terme.
Ainsi, partant du postulat qu’il est « plus économique de produire de manière écologique », le Cloud Computing apparaît donc comme un moyen de rendre l’IT plus vertueuse. Encore faut-il savoir appliquer les bonnes méthodes. Car se lancer dans le Cloud Computing sans méthodologie ni gouvernance, c’est un peu comme installer un réducteur de pression sur vos robinets mais de les laisser tout de même ouverts en partant le soir ! D’après une étude du Gartner de 2017, les entreprises qui ne font pas ou peu d’optimisation de leur consommation dans le Cloud dépensent facilement 70% de plus que nécessaire.
Un terme est apparu il y a quelques années déjà et devient plus que jamais le mot-clé du moment : FinOps. Une contraction des mots Finance et Opérations, sur le même modèle que DevOps contractant Développement et Opérations. L’idée sous-jacente du FinOps est de s’assurer que le Cloud soit géré financièrement. Pour simplifier : Donner de la visibilité sur la consommation Cloud et l’optimiser en réalisant les bons compromis.
Je vous propose donc de couvrir dans les deux prochains chapitres « FinOps, pour une gouvernance des dépenses dans le Cloud » ce qu’est une approche FinOps holistique.
Chapitre 3 – FinOps, pour une gouvernance des dépenses dans le Cloud –Les pilliers du modèle
FinOps est le moyen de donner de la visibilité sur la consommation Cloud et de l’optimiser en réalisant les bons compromis entre les trois principales dimensions : Coûts, délais, qualité.Notez bien que j’ai dit « optimiser » et non réduire!
Votre facture globale du Cloud augmentera sans doute dans les années à venir, ou peut-être augmentera-t-elle unitairement si votre priorité est la croissance ou le time-to-market, mais dans tous les cas ce qui compte c’est que les coûts soient optimisés pour à la fois éviter le gaspillage – le fameux robinet ouvert – et payer le bonprix pour son utilisation réelle.
Payer le juste prix de sa juste utilisation, c’est que ce souhaite toute entreprise, n’est-ce pas ?
Seulement voilà, il n’existe pas de standard en la matière. Nous considérons FinOps, pour notre part, comme un modèle opérationnel, incluant à la fois une culture, des compétences, des bonnes pratiques et des processus outillés.
Une culture
L’approche DevOps dans le Cloud a brisé le modèle traditionnel de l’approvisionnement IT. En matière de dépenses, dans le Cloud c’est la loi de l’antigravité qui s’applique : Si vous ne les gérez pas, elles ne feront que s’envoler.
La maîtrise de la consommation doit faire partie intégrante de la culture de l’entreprise. Il faut être capable de sensibiliser sans culpabiliser et donner à tous de la visibilité sur les coûts. Et pourquoi pas faire de la maîtrise de la consommation une valeur en interne au même titre que « la satisfaction client » ou que « l’esprit d’équipe » et créer des incitations, financières ou autres, pour motiver les troupes ?
Des compétences
Un des challenges majeurs de ce modèle FinOps, c’est que pour contrôler les dépenses Cloud, encore faut-il savoir :
- Ce qui les génère, en maîtrisant l’ensemble des services utilisés côté IaaS (compute, storage, transferts, backups, logs, monitoring, …) et côté PaaS (middlewares, services managés, … ) ainsi que leur modèle de pricing, propre à chaque composant et souvent peu lisibles.
- Comment les prévoir et les contrôler, en maîtrisant l’évolution des dépenses vis-à-vis de la consommation (sachant que les modèles de pricing peuvent connaître de fortes variations selon le volume, les modèles de dégressivité ou les effets de seuil) mais aussi l’art de monitorer et d’alerter au niveau le plus pertinent (ni trop, ni pas assez) tout en automatisant aux maximum les actions préventives et correctives.
- Comment les optimiser, que ce soit dans la chasse au gaspis en maîtrisant toutes les techniques de rightsizing, de scalabilité, de cycle de vie des objets, du bon compromis des solutions de secours, jusqu’aux approches serverless poussant à l’extrème l’optimisation de l’usage à la centaine de millisecondes d’utilisation d’une requête métier ; ou que ce soit dans l’optimisation des prix pour un usage donné en maîtrisant l’art de la réservation d’instance mais aussi les programmes de discount des fournisseurs de cloud.
- Comment les allouer, en maîtrisant les politiques de tagging et leur automatisation afin d’assurer que 100% des dépenses soient bien allouées à leurs consommateurs respectifs et d’assurer également une capacité de reporting claire et précise.
Des bonnes pratiques
Si certaines pratiques sont considérées comme standards et donc applicables à tous, comme c’est le cas par exemple pour la mise en place d’une politique de tagging automatisée, d’une politique de réservation d’instances ou encore d’alerting sur la consommation, ce n’est pas forcément le cas pour le détail de leur mise en œuvre qui dépendra du contexte.
Cet ensemble de bonnes pratiques définit, au fond, les standards pour l’entreprise concernée.
Des processus outillés
Enfin, comme pour tout modèle opérationnel, ce modèle FinOps nécessite la mise en place de processus clairs et documentés, c’est-à-dire un ensemble d’actions avec des entrées et des sorties, qu’elles soient manuelles, automatisées ou partiellement automatisées. L’outillage, ce n’est pas l’idée magique que certains se font de plugger un outil de Cloud Management Platform (ou CMP) qui s’occupera de tout mais plutôt de toute forme d’outillage permettant d’automatiser au maximum les processus du modèle. Car, soyons clairs, ce n’est pas que nous soyons fainéants à l’IT, mais moins on intervient en prod mieux on se porte !
Quels outils ? Le choix est vaste. Cela peut être des scripts maison pour automatiser l’application de la politique de tagging par exemple, des outils standards des fournisseurs comme les outils de monitoring et d’alerting couplés à des fonctions déclenchées sur événement, la bonne vieille feuille excel pour le reporting, du DIY (Do It Yourself!) avec des dashboards type PowerBI ou datastudio, ou encore une de ces fameuses plateformes de management comme CloudHealth, Turbonomic ou encore Apptio, pour ne citer qu’eux, permettant de gérer un grand nombre d’activités, en particulier le billing et le reporting mais aussi l’analyse et l’optimisation.
Après cette description des piliers, il devient alors assez clair que ce modèle FinOps, s’il peut être, au démarrage, porté par une personne en particulier dans l’organisation, devra à terme être réparti. Car cette maîtrise des coûts est l’affaire de tous et il n’y a finalement qu’à voir l’ensemble des activités à couvrir pour s’en persuader. Car non, vous l’avez compris, FinOps ce n’est pas juste l’optimisation des coûts, qui n’en est finalement qu’une facette. C’est ce que je vous propose de découvrir dans le prochain chapitre.
Chapitre 4 – FinOps, pour une gouvernance des dépenses dans le Cloud – Les activités continues
Dans le précédent chapitre, nous avons abordé les pilliers qui régissent le modèle FinOps. Ce modèle a une vocation bien plus large que la seule optimisation des coûts, comme nous allons le voir ici.
Il représente bien d’autres activités que nous répartissons en six grandes catégories :
Stratégie
Il s’agit là en premier lieu de définir les objectifs métiers à suivre globalement. Comme nous le disions précédemment, l’objectif de « réduire les coûts » n’en est pas vraiment un car cela ne tient compte que d’une seule des trois dimensions – coûts, délais, qualité – et ne permet donc pas de réaliser les bons compromis. Prenons l’exemple d’une activité d’e-commerce. Les coûts IT peuvent dépendre de plusieurs facteurs : Nombre de visiteurs, nombre de paniers générés, nombre de commandes passées, nombre de recommendations réalisées ou consultées sur les articles, etc. Ainsi, si vous vous fixez comme objectif métier de simplement « réduire les coûts IT » mais que le nombre de commandes explose, ce que vous risquez c’est qu’une autre dimension flanche : Qualité de service sévèrement dégradée et/ou time-to-market douloureusement rallongé. Donner un objectif de coûts par panier généré par exemple offre une bien meilleure marge de manœuvre aux équipes projet/produit pour réaliser les travaux d’optimisation qui ne mettront pas en péril le service rendu.
Ensuite, il faut aussi s’organiser autour d’un modèle opérationnel qui soit adapté à l’entreprise :
- Définir l’organisation qui aura le plus de sens dans le contexte, basée ou non sur un Cloud Centre of Excellence (une bonne pratique éprouvée pour toute adoption du Cloud Public à l’échelle) ;
- Définir les rôles et responsabilités relatifs au catalogue des pratiques couverts par le modèle FinOps ;
- Définir l’organisation projet/produit type tenant compte de ce modèle ;
- Initier la matrice de compétences afin d’identifier les besoins en formation.
La stratégie est une partie importante du modèle FinOps et pas seulement lors de sa mise en place car l’amélioration continue est clé dans un monde DevOps : Les objectifs métiers vont forcément évoluer régulièrement, ainsi que la structure organisationnelle. De façon générale, la recherche d’efficacité ne doit jamais se limiter à la seule consommation des ressources informatiques mais doit également se faire au niveau de l’organisation dans son ensemble.
Gouvernance
Qui dit modèle opérationnel, dit forcément gouvernance. Car il faut s’assurer que les objectifs fixés soient suivis, que les budgets soit maintenus et rééavalués, les coûts refacturés, le reporting généré et que la communication soit faite au sein de l’organisation. Un des principes primordiaux de l’approche FinOps est la transparence : De la consommation, des coûts, des objectifs, des KPIs, des factures, etc.
Une bonne façon de se lancer est de commencer par définir un lexique commun adapté à l’organisation afin que toutes les équipes se mettent à parler le même langage en évitant les ambiguïtés. Ainsi commence la transparence, par la compréhension mutuelle !
Build
Avant de parler d’optimisation des applications, l’approche FinOps commence au niveau de la conception même de ces applications : tout comme on résoud mieux les bugs en cours de développement qu’une fois en production, on optimise mieux la facture en intégrant cette problématique dès le design de l’architecture cloud.
C’est avant tout une question d’architecture. Si chaque équipe de développement réinvente la roue dans son coin, selon les différents niveaux de compétences et de maturité il y a fort à parier qu’apparaîtront tôt ou tard des « problèmes d’efficacité », pour le dire poliment. Il faut donc agir de manière proactive.
Le « FinOps by Design » permettrait d’appliquer à tout nouveau développement les principes de transparence des coûts, de tagging exhaustif, d’optimisation des composants, etc. Pour épauler ce principe, l’idéal bien sûr est de développer des « best practices » d’architecture adaptées au contexte de l’entreprise et, encore mieux, de développer un catalogue d’offres de services (avec templates prêts à l’emploi) pour que les équipes de développement puissent prendre des briques d’infrastructure déjà « FinOps ready » afin de concevoir de meilleures applications tout en gardant leur agilité nécessaire.
Run
Et bien sûr ce n’est pas parce qu’on a bien conçu une application au départ qu’il ne faut pas la surveiller (le premier qui me lance le sempiternel « la confiance n’exclut pas le contrôle » a un gage). Il y a aura forcément des problèmes, à un moment ou à un autre. Il faut donc mettre en place le monitoring et l’alerting permettant de détecter les anomalies et de réagir rapidement.
Dans les discussions clients que j’ai pu avoir sur le sujet, il m’est souvent arrivé d’entendre qu’un bout de code malheureux dans un programme ou qu’un test de service non encadré avaient généré des surcoûts importants, car détectés des jours voire des semaines plus tard.
Mais il ne faut pas seulement savoir détecter les anomalies à chaud (avec par exemple un système d’alarme comme AWS CloudWatch pour détecter en quasi-temps réel un dépassement de seuil pour une application donnée) et les réparer. Certains problèmes sont beaucoup plus insidieux et ne se détecteront pas forcément à la volée. Il faut aussi contrôler les tendances et les variations de la consommation pour se rendre compte par exemple que, bizarrement, les coûts d’une application avaient légèrement augmenté ce mois-ci alors que l’activité, elle, avait dans le même temps chuté de 20%.
Le benchmarking est également une pratique intéressante à réaliser. Car on peut ne constater aucun problème de tendance ou de variation sur une application mais se rendre compte en la comparant à une autre application similaire ou à une solution similaire du marché que sa consommation est anormale. Un peu comme si, chez vous, vous compariez votre consommation électrique avec celle de votre voisin dont le foyer est similaire mais qui consomme 30% de moins que vous.
Dans le modèle FinOps, la partie Run consiste donc à observer ce qu’il se passe sur le terrain, analyser et trouver les axes d’amélioration, qui pourront amener à des optimisations ou des mesures correctives. Et cela fait également partie du Run que de contrôler l’efficacité des mesures correctives et autres optimisations mises en place. Car optimiser sans contrôler, c’est comme de vouloir régler un problème de débit internet en passant d’un fournisseur à un autre sans vérifier par la suite si le débit s’est effectivement amélioré.
Optimisation
L’optimisation est probablement la partie la plus connue du modèle FinOps. C’est d’ailleurs souvent l’élément déclencheur et l’enjeu majeur des clients qui nous contactent sur le sujet FinOps : Après une expérimentation dans le Cloud, ils font face à des dépenses non maîtrisées qui ne cessent d’augmenter et souhaitent donc en premier lieu « optimiser leurs coûts ».
Faire une opération « coup de poing » pour optimiser les coûts lorsque la situation est en train de dégénérer est effectivement une bonne première étape car elle permet non seulement de redonner rapidement confiance au management mais elle permet aussi, par les économies réalisées, de financer la mise en place du modèle et de sa gouvernance.
L’optimisation, vous l’aurez compris, n’est donc pas quelque chose qui se fait une fois pour toute, mais bien une activité continue faisant partie intégrante du modèle opérationnel.
Et lorsqu’on parle d’optimisation, il faut préciser qu’elle se joue à deux niveaux, l’utilisation et le prix. Comme j’aime à le résumer : Optimiser ses dépenses c’est l’art de maîtriser son utilisation pour éviter le gaspillage tout en faisant baisser le prix de son utilisation réelle.
Veille & Expertise
Vous avez optimisé ? C’est bien. Mais êtes-vous au courant qu’il y a un nouveau « service managé » mis à disposition par votre fournisseur qui vous permettrait de faire de nouvelles économies ? Vous ne pouvez le savoir que si la veille fait partie de votre modèle.
C’est à un rythme effréné que les fournisseurs de Cloud Public innovent pour apporter à leurs clients toujours plus de services et toujours plus de valeur ajoutée. Rien qu’en 2018, par exemple, AWS a commercialisé 1 957 nouveaux services et fonctionnalités. Et les autres gros fournisseurs, bien sûr, ne se laissent pas distancer facilement.
Pour les entreprises, c’est donc à la fois une opportunité extraordinaire de constante amélioration de leurs services IT mais également un immense challenge pour maintenir à jour l’expertise en interne.
La veille technologique ne peut donc être l’objet d’une seule personne mais plutôt d’une communauté d’experts dans l’entreprise (pourquoi pas organisée autour d’une cellule d’expertise au sein du Cloud Centre of Excellence) qui aura la capacité à capter l’état de l’art, les innovations technologiques récentes, à identifier les opportunités d’amélioration et d’optimisation, à étudier les nouvelles idées, à les expérimenter et à diffuser le savoir à travers l’entreprise, jusqu’à ce que les nouvelles pratiques deviennent des standards au sein des template d’architecture.
Pour résumer, le modèle FinOps est une histoire sans fin, un ensemble d’activités continues gérées par un ensemble de compétences et qui n’en finit pas d’évoluer, suivant une boucle d’amélioration continue, car on ne peut jamais rien garder pour acquis.
Voilà les questions que vous pourrez vous poser en boucle
(en essayant de ne pas perdre la boule non plus !) :
- Quelle est la vision du métier et quels sont les (nouveaux)
objectifs à atteindre ? - Où se situe-t-on aujourd’hui ?
- Où voulons-nous être demain ?
- Comment y va-t-on ?
- Y est-on parvenu ?
Vous voilà maintenant convaincu que ce modèle FinOps est ce qu’il vous faut. Mais par quel bout le prendre et comment s’y mettre concrètement sachant qu’il n’y à ce jour pas de standard en la matière ? Nous aborderons cela dans le dernier chapitre de notre série : « Le modèle du futur pour une IT Economique et Durable ».
Mais patience car notre prochain chapitre, « FinOps et RSE, pourquoi doit-on s’y intéresser ? », reviendra lui plus en détail sur les enjeux de société, en rappelant ce qu’est la RSE et en mettant en lumière pourquoi l’approche FinOps fait plus que jamais sens.
Chapitre 5 – FinOps et RSE, pourquoi doit-on s’y intéresser ?
Dans les deux précédents chapitres de notre série, nous avons tenté de décrire en quoi le modèle FinOps global permettait de maîtriser les dépenses sur la durée.Mais avant d’aborder la démarche pour concrètement y arriver, je souhaitais revenir ici sur le pourquoi.
Pourquoi il est plus que jamais nécessaire de maîtriser sa consommation, qu’on soit motivé ou non par les économies financières qui en découlent. C’est le sens même de mon engagement sur ce sujet FinOps. Car les enjeux du réchauffement climatique sont majeurs et sans précédent et qu’il y a une nécessité à agir à tous les niveaux possibles.
Forcément, lorsqu’on travaille dans l’IT, on ne peut ignorer que nos Centres de Données consomment énormément d’énergie pour faire tourner en permanence des centaines de machines, des baies de stockage, des équipements réseaux… et tout cela dans des locaux ultra-climatisés. C’est pourquoi la sobriété numérique n’est pas un vain mot mais plus que jamais une nécessité. J’aime particulièrement ce terme de sobriété car il décrit bien un comportement responsable entre deux extrêmes : le tout (une consommation superflue et sans retenue) et le rien (on ferme nos Centres de Données et on met la clé sous la porte en partant). Sceptique ? Certains d’entre vous le sont encore, c’est pourquoi je voulais vous parler ici de RSE et mettre en lumière comment une approche FinOps globale s’intègre dans cette démarche.
Pour commencer, il faut rappeler que la RSE, ou Responsabilité Sociale des Entreprises (CSR en anglais pour Corporate Social Responsability), n’est pas un sujet récent mais trouve ses racines dans les années 60, en plein milieu des Trente Glorieuses et l’adoption, en Europe, de la société de consommation correspondant à l’American Way of Life outre-Atlantique, battant déjà son plein depuis des décennies.
Dès les années 60 donc, des scientifiques américains lancent les premiers signaux d’alarme qui amèneront à la création du premier mouvement écologiste. Les années 70 marquent un tournant dans la prise de conscience vis-à-vis de la protection de l’environnement et Greenpeace, fondée en 1971, devient une ONG internationale en 1979. Vers la fin des années 1980, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) arrive à la conclusion que le climat de la Terre se réchauffe du fait de l’activité humaine, alors que, dans le même temps, l’utilisation des énergies fossiles est en pleine croissance.
Il faudra attendre l’an 2000 pour que la Commission Européenne s’empare réellement du sujet, lors du conseil européen de Lisbonne appelant les entreprises au sens des responsabilités dans le domaine social et le développement durable. Et la publication, en 2001, du « Livre Vert – Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises » de la Commission Européenne pose la première pierre d’une politique européenne de RSE. Le but premier de cette RSE à l’européenne était de pallier le risque de concurrence déloyale liée à l’hétérogénéité des droits nationaux des Etats membres, mais aussi de promouvoir dans le reste du monde un modèle européen respectueux des normes sociales, environnementales et économiques.
La RSE se définit d’abord par rapport à la notion de responsabilité et consiste en un devoir à la fois de rendre compte de ses actes et d’en assumer les conséquences. Ce n’est donc pas un ensemble d’actions « pour la communauté » ou des mesures écologiques comme le tri des déchets qui définissent une démarche RSE mais bien un engagement à agir de manière éthique en améliorant constamment son fonctionnement d’un point de vue social et environnemental.
Cette démarche, pendant longtemps « volontariste », s’est vu accompagner de réglementations et de normes au fil du temps. La norme ISO 26000, par exemple, publiée fin 2010, donne des lignes directrices aux entreprises et aux organisations pour opérer de manière socialement responsable et contribuer au développement durable.
Mais le choix des entreprises à aller ou non au-delà des règles établies est un vrai choix stratégique. Et c’est un point important à prendre en compte dans notre approche FinOps : Il n’y a rien aujourd’hui pour forcer une entreprise à rendre son IT plus vertueuse. Non, rassurez-vous, vous ne recevrez pas une amende pour avoir oublié d’éteindre un serveur ! La question est plutôt de l’image que l’on veut renvoyer de son entreprise. Comme je le mentionnais dans le premier chapitre de cette série, la jeunesse s’engage de plus en plus par rapport aux enjeux climatiques et les entreprises qui seront les plus engagées dans leur RSE et le développement durable, augmenteront leurs chances de recruter les talents dont elles auront besoin pour développer leurs modèles économiques de demain. Tout le monde a besoin de donner un sens à son travail : Et il n’y a qu’à lire l’excellent livre de Caroline Renoux « Comment faire carrière dans les métiers de la RSE et du Développement Durable » pour se rendre compte que la contribution à la préservation de l’environnement est le sens que de plus en plus de personnes souhaitent donner à leur carrière. Et c’est tant mieux !
Adopter une IT Economique et Durable ne devrait donc pas être vu comme un coût mais comme un investissement : Réduire sa consommation d’énergie (et donc son empreinte carbone) c’est à la fois faire des économies permettant d’investir dans l’innovation, améliorer sa capacité future à recruter et, pourquoi pas, prendre aussi les devants sur de potentielles réglementations à venir qui pourraient être de plus en plus restrictives.
Mais comme nous le disions précédemment, il n’existe pas à l’heure actuelle de standard sur le sujet. C’est pourquoi nous avons décidé de nous atteler à la construction d’un référentiel de bonnes pratiques et de compétences FinOps afin de permettre à toutes les entreprises de mettre en œuvre une approche globale et complète qui tient ses promesses. C’est ce que nous aborderons dans le dernier chapitre de cette série : « Le modèle du futur pour une IT Economique et Durable ».
Chapitre 6 – Le modèle du futur pour une IT Economique et Durable
Vous avez à présent compris que notre conviction est non seulement que la sobriété numérique n’est pas une simple mode mais un investissement nécessaire s’inscrivant dans les enjeux stratégiques de RSE mais aussi que l’adoption du Cloud Computing associée à une approche FinOps holistique est une solution efficace pour atteindre cet objectif ambitieux d’une IT Economique et Durable.
Mais comment transformer cette conviction en modèle concret ? C’est la question que nous nous sommes posée et à laquelle nous nous sommes attelés. Tout d’abord, il est important de noter que chaque entreprise est unique et de même est sa façon d’organiser ses équipes et son infrastructure. Aussi apparaît-il évident que chaque processus de ce modèle FinOps devra être adapté au contexte de l’entreprise et évoluera au fil du temps, tout comme les compétences et l’outillage qui y seront associés. De la même manière, il faudra que l’approche soit adaptée au niveau de maturité de l’entreprise et de son ambition sur le sujet.
C’est pour cela que nous avons décidé de bâtir un référentiel de bonnes pratiques et de compétences FinOps proposant des pratiques réparties sur les 6 catégories décrites au chapitre 4 et selon 3 niveaux :
Niveau 1 – Démarrage, ou comment reprendre le contrôle de sa facture Cloud
Pour une entreprise au début de sa démarche FinOps, adopter une approche pragmatique permet de se lancer dans le sujet en obtenant rapidement des résultats concrets. Ces « quick wins » permettent non seulement d’obtenir plus facilement le buy-in des différentes équipes qui seront mises à contribution dans le modèle global mais également d’auto-financer les phases suivantes de déploiement.
Niveau 2 – Pérennisation, ou comment assurer la maîtrise des dépenses au sein de l’organisation sur la durée
Une fois les quick wins réalisés, la mise en place d’une approche plus structurée permet d’impliquer le business dans la définition d’objectifs et de KPIs qui permettront d’aller plus loin dans l’optimisation de la consommation et d’impliquer de plus en plus de monde dans la démarche tout en en pérennisant les pratiques.
Niveau 3 – Généralisation, ou comment instaurer la sobriété numérique comme pilier de l’organisation
Ce dernier niveau représente l’approche complète mettant FinOps au cœur des activités de l’IT en tant qu’activité en perpétuelle évolution au cœur même d’une démarche RSE dont l’engagement, comme nous le rappelions dans le chapitre précédent, consiste à agir de manière éthique en améliorant constamment son fonctionnement d’un point de vue social et environnemental.
Illustration de notre référentiel de bonnes pratiques en cours de construction :
En parallèle de la construction de ce référentiel et afin d’accélérer l’adoption de ce modèle d’avenir, nous avons également bâti une formation d’un jour intitulée « Les fondamentaux du modèle FinOps » dans laquelle nous revenons plus en détail sur l’ensemble des sujets abordés dans cette série d’articles qui, nous l’espérons, vous aura convaincu qu’il est plus que temps d’agir et que notre approche va dans le bon sens.
Et si le sujet FinOps vous passionne et que vous souhaitez contribuer activement à notre projet de référentiel ou juste donner votre avis, n’hésitez pas à nous laisser vos coordonnées en envoyant un email à contact@timspirit.fr !